Pratiques zéro-phyto des jardiniers amateurs et collectivités
- Par alexis-interreg
- Le 04/07/2023
- Dans Témoignages
Dans le cadre du projet Zéro Phyto, une recherche participative a été mise en place afin de recueillir les expériences et réussites de tous les acteurs (professionnels, producteurs, collectivités et amateurs), en matière de production de fruits et légumes s’affranchissant de tout traitement. Une enquête a notamment été réalisée entre 2020 et 2021 afin de recenser les pratiques zéro-phyto des jardiniers amateurs en vergers, d’identifier les facteurs favorables et les freins à leur mise en place et de faire connaitre, à travers des interviews, les pratiques les plus intéressantes.
Constitution et diffusion de l'enquête
Le questionnaire d’enquête a été rédigé sous forme de formulaire en ligne et a été diffusé à :
- 29 associations de jardiniers amateurs,
- 28 jardiniers amateurs,
- 5 parcs naturels régionaux,
- 4 Centres Permanents d’Initiation à l’Environnement,
- 10 villes ou intercommunalités qui ont des vergers,
- 2 établissements de formation agricole ayant des vergers pédagogiques.
Synthèse des résultats
Sur les 73 répondants, 89% ont été des jardiniers amateurs, 6% des associations, 4% des lycées agricoles et 1% des collectivités.
Cette enquête a permis de constater que les jardiniers amateurs avaient globalement peu recours aux interventions par pulvérisation sur leurs arbres fruitiers (moins de la moitié d’entre eux) voire n’appliquaient aucune méthode de lutte, même mécanique (un tiers des interrogés). Des mesures préventives sont, en revanche, plébiscitées. Les variétés anciennes sont ainsi retrouvées en quantité et diversité importantes chez les jardiniers amateurs. Celles-ci, parfois résistantes ou tolérantes vis-à-vis des ravageurs et/ou maladies, incarnent, à elles seules, un frein au développement des bioagresseurs.
De nombreux jardiniers favorisent également les auxiliaires, en conservant la diversité végétale sur leur terrain, en vue de lutter contre certains ravageurs comme les chenilles et les pucerons. Toutefois, si les infrastructures agro-écologiques sont bien présentes dans les jardins, aucun jardinier amateur ne pratique de lutte biologique augmentative, c’est-à-dire par introduction d’auxiliaires. La méconnaissance de cette technique, son prix et les contraintes techniques qu’elle impose, rendent, en effet, difficile sa mise en place.
La lutte directe, lorsqu’elle est opérée, passe principalement par le piégeage, la destruction manuelle et la pulvérisation de produits « faits maison » (purins et décoctions de plantes, produits ménagers). C’est le carpocapse du pommier qui génère des interventions chez le plus de répondants, principalement par piégeage ou pulvérisation de purins et décoctions. Les autres lépidoptères sont, bien souvent, détruits manuellement. Les pucerons (dont les pucerons cendrés) génèrent peu d’interventions. Ces dernières se traduisent souvent par la pulvérisation de produits de biocontrôle.
Lorsqu’il les met en place, le panel enquêté tire globalement satisfaction des techniques « zéro-phyto ». Toutefois, le manque de connaissances sur ces pratiques et leur efficacité variable restent des freins à leur utilisation. En vue de préserver d’avantage l’environnement (principale motivation ressortant de l’enquête) et la santé humaine, les personnes interrogées suggèrent d’intensifier la recherche pratique sur les méthodes zéro-phyto pour en améliorer l’efficacité et de favoriser la communication sur leur utilisation et sur les pratiques encore peu connues (émondage tardif, choix variétal, bandes de glu, lutte biologique augmentative …).
Au terme de l’analyse de l’enquête, la pratique de 4 répondants est ressortie du lot et est apparue comme potentiellement intéressante en vue d’un partage d’expérience. Vous pouvez retrouver leurs témoignages en cliquant sur les liens suivants : témoignages de jardiniers amateurs.
L'appel à idées
En compléments de cette enquête, nous avons également fait appel à vous, producteurs, jardiniers amateurs, associations, etc., et vous nous avez partagé vos pratiques, vos idées et votre expérience. Notre but était de connaitre vos petites recettes pour lutter contre les insectes ravageurs des fruits et légumes, pour nous en inspirer dans un premier temps et pour les faire connaitre au plus grand nombre par la suite. Voici donc, ci-dessous, un résumé de toutes ces idées.
Les témoignages recueillis ont montré une très grande diversité de méthodes de lutte sans usage de produits phytopharmaceutiques contre les différents ravageurs des arbres fruitiers et du potager en général.
Gestion du sol :
Parmi les actions les plus souvent citées, figurent la gestion du sol et la fertilisation. La plupart des personnes qui ont témoigné disent avoir, en premier lieu, adapté la manière dont ils gèrent le sol. Celui-ci est travaillé au minimum afin de favoriser le développement de la faune y étant présente (champignons, insectes, bactéries, …) et ainsi maintenir un équilibre physico-chimique idéal pour les plantes.
Les techniques utilisées sont :
- Le paillage : paille, broyat, déchets de tonte, taille de haies, …
- Travail superficiel (sur les premiers centimètres)
- Absence totale de travail du sol
Pour la fertilisation, tous les témoignages recueillis mettent en évidence l’emploi de matière organique issue du compost, de déchets verts ou de matières ligneuses.
Par ces deux biais d’action, les utilisateurs assurent un maximum de vie dans le sol et créent une dynamique la plus naturelle possible avec un minimum d’interventions. Cela a également l’avantage de minimiser les efforts. Les différents témoignages rapportent des résultats très positifs par rapport à cet objectif et une réelle richesse d’insectes, de vers et de champignons sur les parcelles gérées de cette façon.
Lutte directe contre les ravageurs :
En matière de lutte directe contre les ravageurs, de nombreuses méthodes variées ont été proposées. Premièrement, l’application de substances « naturelles » sous différentes formes est régulièrement citée :
- Décoctions ou infusions de plantes : ex : décoction d’ail avec de l’huile pour lutter contre les araignées rouges sur les solanacées.
- Produits transformés d’origine naturelles : ex : le savon noir pour lutter contre les criocères sur les asperges ou contre les chenilles sur fenouil ; la bière contre les limaces ; l’eau sucrée contre certains insectes.
- Produits naturels « bruts » : ex : les cendres de bois ou le sel pour repousser les limaces.
Ensuite, les pièges ont été souvent mentionnés :
- Les pièges physiques : ex : abris en tuile pour les limaces ; pièges mécaniques sélectifs contre les campagnols ; bandes collantes contre la mouche de la cerise ; des bandes cartons ondulés autour des troncs des arbres fruitiers contre le carpocapse du pommier ou du prunier ; …
- Les pièges équipés d’attractifs sont aussi employés : ex : la bière pour attirer les limaces ; de la mélasse ou des sirops pour attirer guêpes et mouches des fruits.
- Des pièges à phéromone sexuelle ou la confusion sexuelle achetés dans le commerce : notamment contre le carpocapse du pommier.
La lutte biologique a été citée plusieurs fois, en particulier via le lâcher d’auxiliaires : larves de coccinelles contre les pucerons, nématodes contre les limaces ou encore des acariens prédateurs contre les acariens ravageurs.
Une autre forme de lutte biologique mentionnée est le pâturage, qui permet dans les vergers de faire fuir les campagnols.
Si certains luttent de manière actives contre les ravageurs et maladies de leurs fruits et légumes et cherchent des techniques touchant directement ceux-ci, d’autres, et c’est particulièrement le cas chez les jardiniers amateurs, agissent préférentiellement sur l’environnement et la biodiversité pour agir de manière plus indirecte sur les ravageurs.
Aménagement de la parcelle :
La plupart des témoignages rapportent des méthodes indirectes de lutte contre les ravageurs, liées à l’aménagement du jardin ou de la parcelle. Ainsi l’association de plantes et l’aménagement des abords ou de la parcelle elle-même peuvent avoir une influence sur la présence des ravageurs.
Les associations de plantes :
- Combinaisons de plantes cultivées : ex : les oignons avec les carottes contre la mouche de la carotte ; l’usage de plantes répulsives (œillet d’Inde contre les nématodes) ou attractives (Capucines pour les pucerons).
- La constitution d’un patchwork de différents légumes et plantes ainsi que le mélange de plantes occupants différentes strates (agro-foresterie, présence d’arbustes fruitiers, …) permet également une meilleure régulation des ravageurs.
Dans la plupart des cas, les jardiniers qui ont témoignés ont également aménagé leur parcelle dans le but d’accueillir un maximum de biodiversité et en particulier les prédateurs naturels des ravageurs. Différents types d’aménagements ont été cités :
- Implantation de haies.
- Création d’une marre.
- Tas de bois ou broussailles
- Installation de nichoirs pour oiseaux ou chauve-souris, d’abris à hérissons etc.
Méthodes prophylactiques et prévention :
Des méthodes dites prophylactiques sont bien sûr appliquées et permettent de diminuer la pression des ravageurs au fil du temps :
• Choix de variétés résistantes
• Ramassage des fruits infectés
• …
Les éléments fournis ici sont non exhaustifs, mais constituent des pistes de réflexion pour lutter de manière naturelle contre les ravageurs. Toutes ces techniques ne sont pas applicables dans tous les cas et dans tous les contextes. Le jardinier ou le producteur doit également être curieux et faire ses propres petites expériences pour trouver au fil du temps ce qui fonctionne le mieux dans sa parcelle.
Les réponses fournies lors de ce sondage ont été riches et diversifiées. Dans le cadre du projet nous n’avons pas pu expérimenter toutes ces méthodes dans un cadre scientifique pour statuer sur la réelle efficacité de celles-ci ou pour comprendre les facteurs jouant sur les ravageurs. C’est pourquoi nous invitons les jardiniers et producteurs à échanger entre eux leurs connaissances et à partager leurs expériences. Nous avons, en effet pu constater la richesse des idées de certains et leur curiosité à expérimenter eux-mêmes toutes sortes de méthodes. C’est donc par ce partage que l’information pourra circuler.